Pierre-Yves Sachet, directeur adjoint Amérique de Total Sara : « La stratégie de Total a rencontré une opportunité »

Pierre-Yves Sachet, directeur adjoint Amérique de Total Sara : « La stratégie de Total a rencontré une opportunité »

Propos recueillis par C.Everard
Pierre-Yves Sachet (directeur adjoint Amérique de Total, à gauche) et Jean-Pierre Hardy (directeur général délégué de Rubis, à droite)
Pierre-Yves Sachet (directeur adjoint Amérique de Total, à gauche) et Jean-Pierre Hardy (directeur général délégué de Rubis, à droite)

Pierre-Yves Sachet, directeur adjoint Amérique de Total, accompagné du directeur général délégué de Rubis, est venu rendre visite à l'ensemble du personnel de la Sara. Rubis vient de faire une offre de rachat de la participation de Total dans la Sara.

Pourquoi Total souhaite se retirer de l'actionnariat de la Sara, dans lequel il détenait 50% des parts ?
Pierre-Yves Sachet : La raison fondamentale est que Total revoit régulièrement ses actifs, ses positions et ses participations, comme tous les grands groupes. L'idée est d'être capable de se repositionner sur des marchés considérés comme stratégiques. Par ailleurs, Total a redéfini ses orientations en matière d'industrie et de raffinage et s'est engagé dans une démarche de réduction de son exposition au raffinage européen. C'est une stratégie claire et affichée. Il se trouve que cette stratégie a rencontré une opportunité au moment où Rubis a fait la démarche de venir voir Total et exprimé son intérêt pour la participation de Total dans la Sara.
Toutefois, il fallait aussi que le candidat à la reprise offre à Total les garanties suffisantes pour être un bon candidat. De notre point de vue, c'est le cas puisque Rubis est un groupe français connu (il détient déjà 35,5% des parts de la Sara), réputé dans la profession, présent depuis plus dix ans dans la Caraïbe avec une croissance forte.
Il faut noter que Total va rester engagé auprès de la Sara au travers d'une assistance technique. C'est fondamental car le métier d'industriel oblige à certaines responsabilités. La transition doit se faire dans la douceur.
Qu'en est-il des autres activités de Total ?
Total ne s'en va pas et compte bien continuer de se développer dans les DFA : nous allons rester le premier client de la Sara et de loin. Total a 105 collaborateurs dans les DFA, 93 stations, le centre GPL, des participations dans les 5 GIE qui assurent l'approvisionnement des aéroports en carburant jet, mais aussi des activités de livraisons de combustibles et carburants aux industries et aux clients directs, des activités de ventes de lubrifiants, etc. Les investissements dans la partie distribution sont en croissance : nous avons des stations en création ou en reconstruction. Par exemple une au Lorrain. Nous allons aussi diversifier nos offres en installant, par exemple, une croissanterie à la station de Sainte-Thérèse.
Quelles sont les étapes pour que ce projet devienne réalité ?
En trois étapes : la consultation des instances représentatives du personnel, le processus d'autorisation administrative et réglementaire (notamment par l'Autorité de la concurrence) et aussi un processus statutaire. En effet, le groupe Sol (actuellement 14,5% des parts, NLDR) peut décider d'actionner ou non son droit de préemption, c'est-à-dire d'augmenter le capital pour ne pas être dilué par l'opération en cours.
On pense raisonnablement qu'entre la fin de l'année et le début du premier trimestre 2015, on devrait être au bout de l'exercice.
Qu'en pensent les salariés, que vous venez de rencontrer ?
J'ai le sentiment qu'ils sont rassurés et j'ai surtout la conviction qu'ils ont de bonnes raisons de l'être. Il ne s'agit in fine, ni plus, ni moins, que d'un mouvement dans l'actionnariat. Dans la pratique, le consommateur antilloguyanais n'y verra aucune différence.
Cela ne changera rien non plus pour les parties prenantes et le personnel, puisque les conventions sociales, individuelles ou collectives, resteront inchangées. La gouvernance de la Sara restera inchangée. Il n'y aura pas non plus d'impact ni sur les prix, ni sur l'emploi.
Une fois que nous aurons rassuré les pouvoirs publics sur ces points, le reste est de l'ordre de la sphère privée de l'entreprise.
Depuis combien de temps ces négociations étaient en cours et qui a fait le premier pas ?
Cela fait quelques mois que Rubis a approché les équipes de Total.
Est-ce qu'il va y avoir des modifications dans les approvisionnements ?
Le pétrole ne peut venir que de la zone Caraïbes, à cause des spécificités relatives aux normes européennes. Sur ces questions, Total s'est engagé à poursuivre son partenariat sous forme d'assistance technique afin d'optimiser les opérations.
Quels sont les investissements à venir sur la Sara ?
Jean-Pierre Hardy : Actuellement , 15 à 20 millions d'euros par an sont investis. Nous commençons déjà à préparer le Grand arrêt de 2019. Un Grand arrêt a lieu tous les 6 ans, avec, en général 6 à 8 semaines d'arrêt total de la raffinerie. Nous avons aussi un projet de changement de réacteur au niveau du réformeur (une unité qui se situe après la tour de distillation et qui produit des essences).
Les normes françaises et européennes à appliquer sont de plus en plus coûteuses pour les raffineries. est-ce que la rentabilité actuelle de la Sara (9% sur les capitaux propres) vous semble suffisante ?
Cela fait partie de sujets spécifiques que nous sommes appelés à aborder tant avec le préfet qu'avec l'administration centrale.
Passons à l'ensemble des activités de Total dans les DFA. Est-ce que le modèle actuel vous convient ? Je pense notamment à la réglementation des prix et surtout à la présence de pompistes. Cette dernière a souvent été un moyen de pression pour vous lorsque le gouvernement voulait baisser vos marges.
Pierre-Yves Sachet : La filière pétrolière dans les DFA répond à un modèle social bien spécifique. Ce modèle social intègre l'ensemble de la filière et tous les acteurs de la filière. Le propos est de dire : Attention! Si vous touchez à un équilibre important au sein de ce modèle social, vous le mettez en péril.
Ni nous, ni les autres distributeurs n'avons intérêt ou vocation à initier la mise en péril de ce modèle social, si personne d'autre ne le met en danger, bien au contraire. Actuellement, Total a vocation à consolider et développer ses positions commerciales, comme à Sainte-Thérèse dont je vous ai parlé.
Avec du recul, pourriez-vous nous expliquer comment avez-vous vécu les conflits sociaux (impliquant les gérants de stations), ainsi que la mise en place du décret Lurel ? Votre PDG, Christophe de Margerie, était de méchante humeur contre le ministre de l'époque.
Je crois que cette mauvaise humeur était largement partagée par la filière dans l'ensemble des DFA, voire des Dom. Elle était peut-être bien justifiée par une certaine incompréhension à la fois sur la méthode utilisée et sur la finalité. Tout ça est toutefois derrière nous, le décret existe et on souhaite qu'il soit appliqué correctement. Nous verrons avec les autorités ce qui convient d'amender et pour quelle raison. Il faut continuer d'avancer.
Après 43 ans, est-ce que vous partez plutôt avec un goût amer ou plutôt réjouis ?
Nous partons avec la conviction d'un beau chemin accompli, la conviction d'avoir construit un outil qui est une référence sur l'ensemble des DFA , la conviction d'avoir des équipes en place bien formées et motivées, et enfin la conviction de laisser l'usine entre les mains de gens responsables, compétents et motivés. Nous n'avons pas d'état d'âme car nous resterons très proches de la Sara.
Lire aussi dans nos éditions
Lire aussi les interviews du directeur général de la Sara dans notre édition du mercredi 24 septembre, et du directeur finances de Rubis dans notre édition du jeudi 25 septembre.

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